•  

      Les livres VII à XI constituent le Second recueil des Fables. Un premier recueil avait paru en 1668-1671 (livres I à VI). Un livre XII paraîtra en 1694.
    Ce second recueil, dédié à Mme de Montespan, se divise en deux parties : 3ème partie (livres VII et VIII, 1678) et 4ème partie (livres IX à XI, 1679). Comme le précédent, il obtiendra un vif succès.

    La fable avant La Fontaine

      Comme le conte et le mythe, la fable fait partie d'un fonds culturel, dans lequel plusieurs générations d'écrivains ou de moralistes ont puisé. Il existait avant La Fontaine tout un corpus scolaire venant des fabulistes grecs (surtout Ésope - le recueil de Névelet avec traductions latines a été constamment réédité -), des fabulistes latins (surtout Phèdre, lui-même adaptateur d'Ésope), des ysopets médiévaux et des fabulistes de la Renaissance (surtout l'Italien Abstemius).
      La fable fait partie du genre de
    l'apologue, c'est-à-dire de ces courts récits susceptibles d'illustrer une vérité morale. On notait d'ailleurs, avant La Fontaine,  une grande flexibilité des leçons tirées de ces histoires. A la leçon pédagogique traditionnelle pouvait se substituer, au gré de l'actualité et de l'humeur de chacun, des « morales » bien différentes, dans l'ordre de l'allusion politique notamment. On verra aussi des morales galantes. Toutefois cette flexibilité deviendra plus grande encore lorsque La Fontaine aura lui-même mis le genre à la mode.
     La Fontaine est en effet celui qui élève ce genre essentiellement scolaire et gnomique à la qualité littéraire (refaisant, pour la France, et plus nettement encore, ce que Phèdre avait fait pour Rome). Avec le 2ème recueil, il ajoutera des sources nouvelles, orientales cette fois (seize fables relèvent de cette tradition) : Pilpay (ou Bidpaï), un sage indien légendaire, auquel fut attribuée la composition des fables du
    Pancha Tantra, et le Persan Lokman (ou Logman, ou Luqman), fictif lui aussi, publié en 1615 à Leyde en édition bilingue arabo-latine et traduit en vers latins en 1673. Reprenant ces sources, Le Livre des lumières, ou la Conduite des rois, traduit en français par David Sahib d’Ispahan, parut en 1644. Enfin, la fable IV du livre XI, Le Songe d'un habitant du Mogol, vient du poète persan Saadi.

     

    La théorie de la fable chez La Fontaine

      Dans le premier recueil, La Fontaine a affirmé sa conception très classique du genre, destiné à allier l'instruction et l'agrément : "En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire." (VI, 1). Instruire ? La Fontaine le dit gravement dans la préface, mais moins gravement quand il s'adresse au chevalier de Bouillon (V, 1) : "Je tâche d'y tourner le vice en ridicule / Ne pouvant l'attaquer avec des bras d'Hercule." Plaire ? Il le faut, car "Une morale nue apporte de l'ennui" (VI, 1), et "on ne considère en France que ce qui plaît, c'est la grande règle, et pour ainsi dire la seule" (Préface). Pour plaire, il faut introduire de la gaieté, mais le mot doit être entendu dans un sens raffiné : "Je n'appelle pas gaieté ce qui excite le rire, mais un certain charme; un air agréable qu'on peut donner à toutes sortes de sujets, même les plus sérieux" (ibid.).
      Dans le deuxième recueil, on sera attentif à l'avertissement (en prose), la dédicace (en vers), aux fables VIII, 4 et IX, 1, et aussi à l'épilogue (après le livre XI). La doctrine de base, instruire et plaire, n'a évidemment pas changé, mais on note des nuances nouvelles : La Fontaine, plus sûr de lui - il a conscience d'avoir été un pionnier -, manifeste le sentiment de sa gloire (voir IX, 1 et l'épilogue). Il se laisse aller plus librement aussi au plaisir de conter :
    Au moment que je fais cette moralité,
    Si
    Peau d'âne
    m'était conté,
    J'y prendrais un plaisir extrême.
    Le monde est vieux, dit-on : je le crois; cependant
    Il le faut amuser encor comme un enfant.
     (VIII, IV)
       Soucieux d'apporter des nouveautés par rapport au 1er recueil, il s'en explique dans l'Avertissement d'une manière qui n'est pas absolument claire, mais dont il ressort du moins qu'il a augmenté ce qu'on appelait les "circonstances" (c'est-à-dire les détails destinés à préciser le cadre et l'ambiance) et qu'il s'est tourné vers de nouvelles sources (Locman et Pilpay au détriment d'Ésope).

     


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  • Arthur Rimbaud          biographie
    Naissance : Charleville, 1854. Élève indiscipliné, fugue à plusieurs reprises. Ses premiers textes sont inspirés de Victor Hugo. Rencontre avec Verlaine déterminante (-> Illuminations). A partir de 1875, silence poétique. Meurt à Marseille en 1891.

    Illuminations : recueil de poèmes (environ 40) en prose (différent des vers classiques).
    C'est un nouveau genre dans le poétique ; il apparaît au XIXème siècle (1er écrit : Aloysius Bertrand, auteur méconnu qui n'a pu publier de son vivant).
    Mais Rimbaud est le plus connu ; il renouvelle le genre.


    Introduction

     

         Illuminations contient trois poèmes dédiés à la ville : deux "villes" et un "ville".
         La ville portuaire, chargée d'histoire (Londres), évoquée à travers le poème "Les ponts", qui est par ailleurs le seul poème ayant un déterminant. Les ponts de Londres sont décrits.
         Mise en scène de cette ville, mise en scène théâtrale et musicale. On a l'impression qu'il nous raconte une histoire. Le style apparaît fantastique, climat assez proche du conte, féerique. Sujet essentiel de ce "tableau" : les ponts.
         Comme s'il évoquait de manière picturale la ville. Mais image mobile, animée de manière fugitive (opéra, carnaval).

    I) Le poème se présente comme un tableau

    1.1) Le tableau abstrait

    Évocation visuelle de la ville. Dès la première phrase, on est plongé dans l'atmosphère de la peinture. (ciels : fonds en peinture)
    Attention particulière aux couleurs et aux nuances.
        "veste rouge"
        "rayon blanc"
        "gris de cristal"
        â              â
        Terne       pureté et luminosité
    Expression presque oxymorique.
    Eau grise bleue (sûrement la Tamise)
    5 occurrences de couleurs, dont 2 grises.
    Gris -> brouillard -> fog anglais.
    L'œuvre se rapproche de celle de Turner "Lyons"
    Grand paysagiste anglais, donne une importance particulière au ciel et à l'eau.
    -> L'impressionnisme (Monet, …) -> Tamise, Seine.
    Surtout ciels brouillés (valorisation des impressions de lumière).

    1.2) Les lignes

    "droit", "angles", "figure", "bombés", "obliquant" -> se rapportent au dessin, presque industriel. Lignes horizontales, verticales valorisées. ("canal", "mâts", "longs".
    Esquisse, gravure. Impression différente de celle perçue dès la première phrase. Les phrases 2, 3, 4 décrivent le dessin de ces ponts. Vision étendue, impression donnée par la multiplicité des ponts, impression qu'ils s'enchevêtrent (enchevêtrement des lignes.), -> sorte de dessin géométrique.
    Le dessin géométrique prend le pas sur la géométricité.
    Le poète serait-il sur un bateau ?
    A partir de la carte, construction du paysage (Rimbaud étant allé à Londres, -> carte pour visiter)
    "Ponts chargés de masures"-> Moyen Age, anciens ponts (Paris, jusqu'au XVIIe siècle).
    -> Inspiration d'une gravure (peut-être reproduite dans le plan de la ville).
    "longs et légers", "frêles parapets" ponts presque aériens, abaissant les rives ; ponts en train d'élever le paysage. Vision de plus en plus complexe, évolution du paysage, animation.
    Rédaction en prose : souplesse, fluidité -> superposition des visions.
    Ce qui est donné à voir est finalement un spectacle dans lequel la musique a une réelle importance.


    II) Le spectacle, comédie fugitive.

    2.1) Des accords musicaux

    C'est une transition musicale.
    Tableau -> musique, mouvement -> spectacle.
    Rimbaud joue sur les métaphores et la polysémie.
    Correspondance musicale entre le dessin et la musique (vue / ouïe)
    -> Voir Baudelaire, "Correspondances".
    Ponts : ce qui relie les berges, les accorde.
    Accords : relations, raccordement.
    Réseau lexical de la musique.
    "Cordes" : Câbles soutenant les ponts.
              Instruments à cordes.
    "On distingue" -> On voit ? On entend ?
    Le poète joue sur plusieurs tableaux à la fois.

    2.2) La parade

    Titre d'un autre poème des "Illuminations". Vision d'une parade, d'une fanfare costumée (veste rouge, allusion à d'autres costumes) dont on ne distingue que des touches de couleur, cortège bariolé.
    Il est souvent question dans les "Illuminations" de fanfares, de parades, où les sensations visuelles et auditives sont mêlées. Rimbaud invite le lecteur, et dérobe la perception ; il introduit le doute. Il fait rentrer dans son jeu le lecteur, invité à cet étrange spectacle.

    2.3) Le rayon blanc

    Le rideau de lumière tombe, éclaire l'atmosphère. -> Le brouillard disparaît, qui par ses formes floues permettait à l'imagination de voguer librement.
    Chute du texte : "tombe et anéantit".
    C'est une dernière phrase de clôture, matérialisée par un tiret, important : il marque une rupture et isole cette chute du texte.
    Précision "du haut du ciel" -> peut faire penser à un rayon divin, tombant du ciel comme la foudre.
    Le poète nous a fait glisser du tableau,… et nous a guidé.
    Figure du poète magicien, qui a des pouvoirs de création divins -> poète démiurge.
    Poésie en grec, vient du verbe fabriquer.
    Poète : crée un autre univers.
              Porteur de pouvoir de création, mais il ne se prend pas au sérieux (ébauche de carnaval, pour s'amuser, pour nous inviter à faire pareil).
    Comédie : renvoie à la parade (fanfare)
              Renvoie à toute création.
    Voir "parade", "Illuminations" (comédie magnétique), "Aube", livre 2nde
    "j'ai seul la clé de cette parade sauvage."
    Parade avec des maîtres jongleurs.


    Conclusion

         Le poème Les ponts est représentatif des Illuminations. Le poète nous invite à une succession de spectacles, où finalement le monde réel se trouve magnifié, mais aussi brouillé.
         "Cela s'est passé ; je sais aujourd'hui saluer la beauté"

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  • Introduction       L'horloge est le dernier poème de la section « Spleen et Idéal »
          Thème du temps, classique dans la poésie romantique et dans Les Fleurs du Mal. Pour Baudelaire, le temps est un poids, démesurément long quand le poète s’ennuie, c’est un supplice.

    1) le temps, thème principal du poème

    Par sa composition, c’est une image du temps : 6 strophes de 4 alexandrins : 6 x 4 = 24, même division qu’un cadran d’horloge. Chaque quatrain a 4 vers : autant que de quarts d’heure.

    Poème établit sur des rimes : 12, sont alternées comme l’alternance droite-gauche du balancier.

    Les vers sont rythmés très régulièrement : par 6 syllabes (malgré quelques ruptures dans le rythme aux vers 9, v11, v15, v19), par la ponctuation : virgule (v1, v18, v22, v24), tiret (v 10), point d’exclamation (v1, v10, v13), point virgule (v20), parenthèses (v14, v23), par la grammaire : conjonction de coordination (v2), préposition (v3, v4, v8, v12, v16), relatif (v21).

    Le poème fonctionne comme une mécanique d’horloge.

    Champs lexical de l’horlogerie (= ensemble des instruments crées par l’Homme pour mesurer SON temps) : cadran (v1, v4), son (v14, v20, v21) – horloge la plus primitive (clepsydre) à horloge moderne (cadran solaire) + jacquemart (v5-6) – métaphore sur le cadran solaire (v2, v5-6)

    Division du temps, rappel du décompte : v 7, v9, v15, v21, temps naturel : v 8, v 19, série d’adverbes : v4 écho à v24, v11, v20-21-22, complément circonstanciel de temps : v 8 et 9 + « où »

    Système des temps employés : présent d’habitude (v2) , présent d’impératif « souviens-toi », présent de vérité générale (v17), présent d’actualité (v24)

    futur (…) passé : participe passé (v8), passé composé (v12)

    Un adjectif traduit l’effet du temps sur l’Homme : « vieux lâche » : rappel que la vie a passé pour lui, le temps vieillit les êtres. Résultat : sensation presque physique du temps qui passe.


    2) L’image que Baudelaire donne du temps

    Expérience commune : v2, « nous » désigne tous les Hommes, mais aussi expérience individuelle : «souviens-toi», expérience personnelle à laquelle chacun est confronté (v8, v14)

    Temps dominateur : v1 « dieu » :position de divinité personnifiée, « son doigt nous menace » : en nous créant, Dieu nous soumet au temps. S’exprime à l’impératif « souviens-toi »

    Temps puissant : v18 « gagne », dépourvu d’émotions v1 « impassible », v18 « sans tricher »

    Temps investi d’un savoir : v1 « sinistre » [sinister : celui qui dit l’avenir]

    Le poème est un long discours du temps aux Hommes, il commence et s’achève sur ce qu’il se produira (v4, v5, v21, v24) le temps connaît l’avenir

    Il représente toutes les sciences : v14 « parle toutes les langues »

    Il est hostile : v2 « menace », v12 « pompé », v17 « avide », v20 « a toujours soif » v9 « dévore » : // ogre qui consomme les Hommes, leur chair, leur liquide : c’est une agression, un ennemi.


    3) L’image qu’il donne de l’Homme soumis au temps

    Anonyme

    Démuni v3 « plein d’effroi », dépouillé de son plaisir v7,

    Promis à la mort v12, v15, v24

    Dépourvu de conscience et de sérieux : refrain « souviens-toi » : garde présent à l’esprit ton avenir, pas de souvenir du passé

    Insouciant : v15 oxymore « mortel folâtre », gravité opposée à gaieté

    Très dépensier : v13 « prodigue » (= dépenser sans compter)

    Méprisable : laisse échapper sa vie sans conscience de sa préciosité v16, remet à plus tard le soin de vivre, il repousse la vertu qui, à sa mort est « encore vierge » v22.



    Conclusion

    Biographie banale d’un Homme ordinaire en 3 époques, // 3 actes d’une tragédie :
              - saison du plaisir (strophe 2)
              - saison de la paresse, vie dépensée à ne rien produire (strophe 4)
              - tardifs regrets d’avoir oublié les valeurs (strophe 6)

    Caractéristiques de la tragédie : v2, puissances divines menacent le destin de l’Homme qui se perd au lieu de s’affronter à la vie, de construire une existence de vertu. Il est averti mais porte en lui les causes même de son châtiment (parallèle avec Dom Juan de Molière).

    Elargissement possible: L’Ennemi X et le Guignon XI

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  • Introduction

    Splenn LXXVIII est le dernier des quatre Spleen et peut-être le plus terrible, le plus angoissant, délirant, dément.

     

    I) La montée de la crise.

    A)

    - Les quatre premiers quatrains développent une seule phrase qui progresse avec trois subordonnées (3 quand) et aboutit à un paroxysme dans la proposition principale.
    - L'anaphore, avec le mot "quand" répété 3 fois, rythme cette progression.
    - Par ailleurs, les coordinations "et qui" (v. 3-11), les enjambements continuels, tout cela donne l'impression d'un mouvement lent et enchaîné inexorablement.


    B)

    - Les impressions que ressent la victime du spleen sont pesantes, douloureuses, de plus en plus malsaines et de plus en plus inquiétantes.
    - Le climat est pesant (v. 1), un accent irrégulier tombe sur "pèse".
    - Le climat est douloureux (v.1-16) => les sonorités dominantes sont douloureuses, nasales en "en", sifflantes en "s", l'assonance en "i" est très souvent à la rime.
    - L'ensemble ramène à "l'esprit gémissant".
    - Le climat est de plus en plus malsain: "jour noir" (v.4) oxymore inquiétante; la nuit est pire, la terre devient un cachot humide, l'eau se fait pourriture.
    - Le climat est de plus en plus menaçant, le poète est hanté par des présences menaçantes, "peuple muet d'infâmes araignées" (v. 11) => son cerveau n'est plus qu'une toile d'araignée.

    C)

    - La prison, d'abord extérieure au poète en proie au spleen, finit par être intérieure.
    - Le ciel est un couvercle qui enferme l'esprit à la manière d'un cercle .
    - La pluie dessine une immense prison, vaste (v.10) mais extérieure.
    - La prison finit par s'installer à l'intérieur de l'homme. De physique, la prison devient psychique; filet dans le cerveau, la météo montre un délire intérieur.

    => Tous ces éléments de plus en plus inquiétants permettent une montée de la crise avant son paroxysme et la défaite finale de l'esprit.


    II) Le paroxysme de la crise et la défaite de l'esprit en proie au spleen.

    A) La défaite était prévisible

    - "L'Espérance" avec une majuscule est une allégorie (= notion abstraite personnifiée) dévalorise l'anéantissement.
    - L'Espérance est déjà condamnée avant que la crise n'ait atteint son paroxysme.

    B)

    - Le paroxysme de la crise se manifeste par des hallucinations sonores, plus violentes, car elle vient après la menace sourde des mouches: sonorités violentes en "que" et en "te" (v. 13-14).
    - Les cloches lancent un appel vers le ciel, un hurlement (v. 14). Cet appel au ciel est opiniâtre (= obstiné), c'est un gémissement d'esprit condamné à l'exil, les cloches implorent le ciel de demander pardon.

    C) Dès lors la défaite de l'esprit est consommée

    - Après les hallucinations sonores, il y a les hallucinations visuelles, "sans tambours ni musique" (v. 17). La défaite s'exprime à travers la vision d'un convoi funéraire interminable marqué par un rythme régulier et solennel.
    - L'enjambement étire la vision du défilé, de la défaite de l'esprit, l'angoisse a pris possession de l'esprit en plantant son drapeau noir.
    - L'espoir est en contre rejet, l'espoir est hors-jeu.
    - Le drapeau noir symbolise soit le drap noir du corbillard, soit le drapeau de pirate.


    Conclusion

    Spleen LXXVIII est un poème dramatique qui dépeint la montée de la crise (v. 1 à 12), puis son paroxysme (v. 13 à 16) et la défaite finale (v. 17 à 20), le tout de manière de plus en plus malsaine, démente.

    Ici le spleen s'exprime à trois niveaux:
    - Le mauvais temps
    - moral et psychologique
    - métaphysique (strophe quatre)


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  • INTRODUCTION :
    • AUTEUR : Voltaire (1694-1778) exilé en Angleterre (censure). Un des philosophes les plus actifs de son temps. Il a fréquenté Frédérique 2, roi de Prusse. Ses cendres sont au Panthéon. Principales oeuvres : Zadig, Candide, Micromégas pour les contes philosophiques et des essais tels que essai sur les moeurs.
    • ŒUVRE : Traité sur la tolérance est un essai philosophique (1763) où Voltaire développe ses idées contre le fanatisme et la persécution.
    • EXTRAIT : C’est un extrait du chapitre 23. Ce texte présente la forme d’une prière en apparence, sachant que Voltaire est déiste cette prière est détournée et s’adresse, non pas à Dieu, mais aux hommes. C’est un appel à la tolérance entre les hommes. Il montre que les pratiques ou les rites religieux sont des sources de conflits entre les hommes. Voltaire appelle à la liberté dans la pratique de la religion ce qui rejoint son déisme.

    1/ Une apparence de prière

    a/ Présence de Dieu

    - L’adresse de la prière à Dieu (ligne 1).

    - Il est interpellé à la 2ème personne du singulier : " à toi " Ligne 1, " tu " Ligne 5, " devant toi " Ligne 10, " t’aimer " Ligne 13, " t’adorer " Ligne 14, " tu sais " Ligne 18

    - L’insistance sur les qualités de Dieu et sur l’infériorité des Hommes :

    - Qualités de Dieu : son universalité : " Dieu de ... " Ligne 1, sa générosité absolue : " à toi qui a tout donné " Ligne 3, sa puissance et son éternité " dont les décrets sont immuables comme éternels "Lignes 4 et 5, sa bonté : " ta bonté " Ligne 24, son omniscience : " car tu sais "Ligne 18.
    - Infériorité des hommes : la faiblesse : " faibles créatures " Ligne 2, " imperceptibles " Ligne 2, " nos débiles corps " Ligne 7, " les atomes appelés hommes " Ligne 10.
    b/ Une demande

    - Demande constante d’aide : " fais que " Ligne 6, " daigne " à l’impératif. L’expression " fais que " est suivie de plusieurs subordonnées au subjonctif Lignes 6 à 18

    - Le contenu de la demande est propre à une prière puisqu’il renvoie à la compréhension, la tolérance entre les hommes et la fin des guerres.

    - Demande humble qui souligne la soumission de l’homme devant dieu : " " s’il est permis à de faibles créatures " Ligne 2, " oser te demander " Ligne 3, " daigne " Ligne 4

    - Le rythme du texte est très ample : phrases très longues : Ligne 1 à 5, Ligne 5 à 19, Ligne 22 à 25.


    2/ Une prière en réalité adressée aux hommes.

    - Il y a une contradiction apparente entre ce destinataire et la forme qu’il a donné à ce texte. En réalité ce texte n’est pas une vraie prière qui s’adresse à Dieu, c’est en fait un texte qui s’adresse aux hommes.

    - Evolution dans l’utilisation des pronoms : de " toi ", " tu ", " te " (l’adresse à Dieu) Ligne 1 à 5 à " nos ", " nous " Ligne 5 à 19 qu’on voit apparaître à plusieurs reprises (Voltaire et les autres hommes) puis " ceux qui " Lignes 12 et 15 et enfin dans la dernière partie du texte, il ne s’adresse plus qu’aux hommes : " puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères " Ligne 20 : La présence de Dieu disparaît peu à peu pour laisser place aux hommes.

    - Il y a une insistance sur le comportement destructeur des hommes. Voltaire s’adresse donc bien aux hommes à qui ces comportements sont spécifiques : " haine et persécution " Ligne 11, " haïr et égorger " Ligne 5 et 6, " nos lois imparfaites " Ligne 8 , " vanité " Ligne 18, " la tyrannie " Ligne 20, " le brigandage " Ligne 21, " les fléaux de la guerre " Ligne 22

    - L’adresse qui est faite à Dieu est peu marquée il n’y a que 2 verbes " daigne " et " fais que ". En revanche le contenu de la demande est très importante : " Ligne 5 à 19 " mais comme " fais que " n’est pas répété, on a l’impression que la demande est faite directement aux hommes à travers " ceux que " etc.

    - L’expression : " tu ne nous a point donné un cœur pour nous haïr et des mains pour nous égorger " écarte la responsabilité divine pour mettre en avant celle des hommes. Dieu a donné des capacités aux hommes mais eux les utilisent mal.

    Voltaire met en cause dans le texte la responsabilité des hommes dans leur manière de vivre entre eux.


    3/ Un manifeste déiste.

    a/ La condamnation des rites.

    - La critique de la hiérarchie religieuse est très présente L ; 15 à 17. Voltaire reproche aux ecclésiastiques leur goût pour l’argent, la fortune et le pouvoir. Il utilise des périphrases pour désigner cette hiérarchie ecclésiastiques qui sont une manière de la refuser : " ceux dont l’habit est teint en violet " (évêques), " ceux dont l’habit est teint en rouge " (cardinaux), " quelques fragments arrondis d’un certain métal " (argent), " un jargon formé d’une ancienne langue " (latin) Lignes 14-15. Ces périphrases de plus, dévalorisent ce dont il est question : " jargon " Ligne 14, " petit tas de la boue " Ligne 16.

    - Critique des rites multiples qui sont source de conflits entre les hommes : " ...lumière... "Ligne 11, " ...leur robe....manteau .... " Ligne 17 à 19, différence de vêtement, de langue Lignes 14 et 15. Toutes ces différences sont susceptibles d’engendrer la haine entre les hommes. L’idée de division et d’intolérance entre les hommes est mise en relief est mise en relief par la structure des phrases : " ceux qui.... ceux qui... " " haïr " Ligne 5 renvoie à l’intolérance ainsi que " haine et persécution "Ligne11, " supportent " Ligne 12 et " ne détestent pas " Ligne 13. Selon Voltaire ces différences de rites sont insignifiantes : " ces petites nuances " Ligne 10

    b/ Un Dieu indéterminé et universel

    Voltaire ne s’adresse pas au Dieu des chrétiens mais au Dieu de tous les hommes : " Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, de tous les temps " Lignes 1 et 2 répétition de tous., " à bénir également en 1000 langages divers " Ligne 24.

    c/ Une exigence de compréhension entre les hommes

    Pour Voltaire, la compréhension et la tolérance se situe sur un plan religieux mais aussi sur un plan social : " brigandage " Ligne 21, " guerre " Ligne 22. Voltaire voudrait que les hommes aboutissent à : " la paix " Ligne 23, " ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas " Ligne 22, " que nous nous aidions mutuellement " Ligne 6, " qu’ils ne détestent pas " Ligne 13, " qu’ils supportent " Ligne 12

    Le déisme de Voltaire c’est la reconnaissance d’une divinité, le fait qu’il faut dépasser des pratiques rituelles, le rejet de toutes les formes de violence aussi bien sur le plan religieux que social.

     

    CONCLUSION :

    Le texte a la forme d’une prière en apparence, en réalité le contenu de la demande du texte est adressé aux hommes. Le but de Voltaire est d’amener les hommes à une tolérance mutuelle sur le plan religieux et social. C’est un appel à la fraternité entre les hommes. C’est un texte qui développe également le déisme de Voltaire : condamnation de la hiérarchie et des pratiques religieuses qui divisent les hommes.

    Ce texte fait parti du combat qu’ont mené au 18ème Siècle les philosophes pour la tolérance et le respect entre les hommes.

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