• "Cette pièce exhale" à "tomber en pourriture" p.61 à 63

    L'enjeu du texte
    Il représente l'archétype de la méthode balzacienne dans la description.On examinera de quelle façon il impose par la force de caractéristions multiples la présence d'un ameublement qui implique un style de vie, un mode de pensée, une sensibilité et une façon d'être. Il contient et résume toute la relation du narrateur avec le monde des objets.

    I Mise en ordre de la vision
    Derrière une apparence de spontanéité et presque s'improvisation dans l'écriture, la descripion se présente comme une tentative de mise en ordre de la vision en quatre étapes:

    Un regard global est porté dans la phrase ("cette salle...figures bizarres"), une vision panoramique: teintes défraîchies et crasse, comme le fond de la toile préparé pour recevoir la figure des objets.

    Les masses significatives apparaissent ensuite ("Elle est plaquée...chaque pensionnaire"), constituées par quelques objets plus volumineux: "buffets gluants" et "une boîte à cases", en deux phrases distinctes.

    Une énumération proliférante ("Vous y verriez...se carbonise"), l'évocation d'un bric-à-brac, une profusion de vieilleries,où la vivacité du rythme évite la monotonie.

    Un commentaire dépréciatif enfin ("Pour expliquer...pourriture") sur la vétusté de cet ameublement.

    II Approche par le lexique
    Quelle est l'impression produite sur le lecteur? Il est possible de dégager deux grilles de lecture au milieu des amoncellemnts du bazar Vauquer:

    La malpropreté est l'impresssion dominante, avec un champ lexical prépondérant: "la crasse a imprimé ses couches...buffets gluants...carafes échancrée, ternies...serviettes où tachées où vineuses...la poussière se combine avec l'huile"; et aussi sur la ta table une "toile cirée assez grasse..." pour servir d'écritoire, une crasse épaisse, qui colle aux mains, le regard s'y  englue. Et encore un mobilier "pourri,tremblant,rongé", puis la misère: "elle a des taches".

    L'impression de vétusté est soutenue aussi par un lexique redondant: on a rencontré dès le début "jadis peinte", que confirme"couleur indistincte". Puis on relève "meubles indestructibes" et "détritus de la civilisation". Dans un registre plus précis on a "chaises estropiées...chauferettes misérables...charnières défaites." Après les noms de choses, le narrateur accumule des adjectifs: "vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant." Enfin, la dernière expression sert de point d'orgue: "elle ca tomber en pourriture".

    III Procédés rhétoriques de la description
    Tout autant que le vocabulaire, la syntaxe est ici un moyen de souligner tel ou tel effet dans la decription.

    La juxtaposition est la forme syntaxique le plus fréquente: celle des substantif(baromète,gravures,cartel,poêle,quinquets,table,chaise,pailllasso,,chauferette),puis celle des adjectifs (phrase déja citée). Ce procédé en forme d'incentaire cocasse sonne comme un catalogue de commissaire-priseur. Il produit un effet de bric-à-brac avec une sorte de jubilation.

    L'absence de structuration spatiale découle de ce système de juxtaposition: tout se côtoit au hasard en une suite arbitraire qui exprime les chocs de la laideur. Le rythme précipité de la phrase, sa démarche cahotante, ses rebonds successifs accentuent l'effet de désordre: relisez cette période de douze lignes qui s'étend de "Vous y verriez..." jusqu'à "se carbonise", et récapitulez justement tout ce qu'on y coit. Tout cela est débité d'un souffle, dans la même structure, pour dire l'étonnement de l'oeil, l'effarement face à la multiplicité anarchique du laid.

    Le grossissement hyperbolique est le signe distinctif de la description. Par exmenple: "Il s'y rencontre de ces meubles indestructibles, proscrits partout, mais placés là comme le sont les débris de la civilisations aux Incurables"; les meubles se voient dotés d'une dimension épique et fantastique conférée par la laideur: "meubles indestructibles", protégés comme un patrimoine national. Ils ont une grandeur historique, et paraissent voués à l'éternité du laid absolu. Les monstres ne meurent pas, ils sont réunis en une sorte de musée du mauvais goût.

    L'utilisation variée des ressources de la syntaxe (autre que l'énumération) évite  l'écueil de la monotonie. Le narrateur emploie de simples épithètes, "un pôle vert...des chaises estropiées...", et pas mal de participe passés. Mais le procédé dominant est celui des suordonnées relatives: " sur lesquels sont des carafes...qui sert à garder...qui sort quand il pleut...qui ôtent l'apétit...où la poussière se combine avec l'huile...qui se déroule toujours sans se perdre jamais...dont le bois se carbonise...". Apparaît aussi une consécutive:"...toile cirée assez grasse pour qu'un facétieux externe y écrive son nom..."

    La caractérisation négative va se renforçer au fil du texte: plus on avance, plus la phrase s'étoffe et la laideur s'étale  avec plus d'ampleur: pour les trois derniers objets, "une longue table", de "petis paillassons piteux" et des "chauferettes misérables", chaque proposition de prolonge comme une misère sui n'en finit pas de se désagréger. Le nom de l'objet est suivi de commentaires dépréciatifs de plus en plus lourds; il traîne ses tares après lui; les marques indélébiles de sa dégradation, comme les stigmates d'une vie ratée.

    IV Scrupules de narrateur
    Pourtant l'auteur ne veut pas céder au vertige de la description, ni perdre de vue les exigences du récit: l'histoire doit avancer.

    Le souci du lecteur. Les exigences antinomiques de la descrition et du récit arrêtent le narrateur parvenu au sommet de son expansion(de sa frénésie?) descriptive dans la cascade des neuf adjectifs, "vieux, crevassés..."etc. il constate avec regret qu, pour expliquer vraiment la vétusté du mobilier, "il faudrait en faire une description qui retarderait trop l'intérêt de cette histoire,et que les gens pressés ne pardonneraient pas". Il se voit forcé d'interrompr sa nomenclature face au lecteur impatient. Le but premier du roman n'est-il pas de raconter une histoire?

    Mais la description est réintégrée, plus éloquente que jamais, dans la phrase même, déja citée, qui en annonce la fin:"Pour expliquer combien ce mobilier est vieux...l'intérêt de cette histoire" Phrase paradoxale, en forme de prétérition, où le narrateur déclare stopper la description, mais la porte à son développement le plus oratoire et met en oeuvre d'ultimes subterfuges d'expression pour décrire mieux et plus vite:
    -Il a recours à des épithètes empruntées au corps humain, "manchot, borgne, invalide, expirant", qui accentuent le pathérique de ces choses en perdition, pitoyables comme des agonisants.
    -"Enfin", dernière salve, comme à regret de devoir s'arrêter là, il utile trois substantifs forts: "une misère économe, concentée, rapée...elle a des taches...elle va tomber en pourriture". 

    CONCLUSION
    On rappelera la fonction des descritions dans l'économie du roman, dans l'efficacité de l'intrigue.Elles constituent certes un moment statique puisque la naration est suspendue; mais elles se justifient par d'autres raisons:

    Le décor joue un rôle indirect dans l'action: sa laideur provoque une réaction de rejet chez Rastignac et décuple son appétit de réussite; A son retour de chez Mmme de Beauséant"il vint dans cette salle à manger nauséabonde où il aperçut, comme des animaux à un râtelier, les dix-huit convives...La transiton était trop brusque, le contraste trop complet pour ne pas développer outre mesure chez lui le sentiment de l'ambition."

    Un souci d'authenticité. La connaissance du lieu contribue à l'effet d'authenticité de quelques scènes importantes: les confidences amoueruses d'Eugène à victorine, l'arrestation de Vautrin. ces grands momment sonnent plus vrai à se dérouler dans cette salle à manger devenue familière.



    votre commentaire
  • Le roman et les personnages

    Le roman est un genre littéraire qui se caractérise par sa grande liberté et sa capacité d'adaptation. Œuvre de fiction, ce récit en prose, de longueur variable, peut aborder des sujets très différents à travers des constructions et des styles tout aussi divers. Qu'il le revendique ou non, le roman, sans être forcément un « miroir », tisse des rapports étroits et complexes avec notre société. Le ou les personnages présentés expriment une vision de l'homme et du monde. Comment un roman s'échafaude-t-il ? Comment se construit un personnage romanesque ? Quelles sont les fonctions du roman ?


    1. Quelles sont les différentes modalités de la narration ?

    Le roman est un récit. Il faut distinguer l'histoire (ce qui est raconté) de la narration (la manière dont on raconte cette histoire). Il existe en effet bien des manières de relater la même histoire.
    Le narrateur
    Celui qui raconte l'histoire, le narrateur – à ne pas confondre avec l'auteur ! – peut être présent dans l'histoire comme témoin ou personnage actif. Il s'exprime alors à la première personne du singulier et peut commenter librement les événements, donner son point de vue. Le narrateur peut également être extérieur à l'histoire, celle-ci étant racontée à la troisième personne du singulier, comme si elle s'écrivait toute seule. C'est le mode de narration le plus fréquent, que l'on retrouve en particulier dans les romans balzaciens, et qui n'empêche pas certains commentaires.
    Il arrive parfois qu'il y ait plusieurs narrateurs dans un même roman (chacun donne sa version de l'histoire, par exemple dans le roman épistolaire) ou qu'un récit soit enchâssé : le narrateur premier laisse la parole à un narrateur second qui raconte à son tour une histoire.
    Le point de vue
    Lorsque le récit est raconté à la troisième personne, il est possible que le point de vue adopté varie (on peut parler de point de vue ou de focalisation).
    Lorsque les événements sont présentés à travers le regard d'un personnage et que le lecteur partage les sentiments de celui-ci, il s'agit du point de vue interne (ou focalisation interne). À l'inverse, si le personnage est présenté uniquement de l'extérieur et que nous ignorons ses sentiments ou ses pensées, cela correspond au point de vue externe (ou focalisation externe). Enfin, lorsque le lecteur a l'impression de pouvoir tout savoir des personnages, sans se limiter à la perception d'un personnage, on parle de point de vue omniscient (ou focalisation zéro).
    Le traitement du temps
    La narration s'effectue au présent ou aux temps du passé, en fonction de la position du narrateur par rapport aux événements. La narration peut particulièrement jouer sur le rythme du récit et sur l'ordre des événements racontés.
    Le narrateur peut tantôt accélérer, tantôt ralentir son récit. Il s'agit de variations significatives qui permettent de suggérer ou de mettre en valeur des éléments importants. Lorsque le récit raconte brièvement un épisode et le résume, cela correspond à un sommaire. Si le temps réel (vécu) semble coïncider avec le temps romanesque, il s'agit d'une scène. Lorsque le récit s'arrête, par exemple dans le cas de la description, on parle de pause. Enfin, il arrive qu'un événement ou toute une période soient passés sous silence : il y a alors ellipse.
    Enfin, le narrateur ne respecte pas toujours l'ordre chronologique. Il peut anticiper sur la suite des événements par le biais de la prolepse (figure de rhétorique par laquelle on réfute par avance un objet), ou au contraire faire un retour en arrière en ayant recours à l'analepse (figure de rhétorique qui consiste à faire le récit d'une action appartenant au passé).


    2. Comment un personnage se construit-il ?

    Le personnage romanesque est un être fictif, doté d'une identité, d'une famille, d'un entourage social. Il peut être présenté par le biais de descriptions qui dressent de lui un portrait physique et/ou moral, mais se définit aussi à travers ses paroles qui révèlent tant sa personnalité que sa culture et son milieu social.
    La manière dont le personnage s'exprime dans le roman est particulièrement significative. Les paroles peuvent être rapportées telles quelles au discours direct. Le narrateur peut aussi les intégrer clairement à son récit lorsqu'il les transcrit au discours indirect. Enfin, ces paroles peuvent être rapportées au discours indirect libre : le glissement du récit du narrateur aux propos du personnage devient alors presque imperceptible. Le discours indirect libre produit un effet très naturel et permet souvent au narrateur de prendre une distance ironique par rapport à son personnage.
    C'est autour du héros que se construit l'intrigue du roman. Les autres personnages peuvent se définir en fonction de leurs rapports avec lui : opposants ou adjuvants. Que ce personnage soit un héros ou un antihéros (personnage médiocre et banal), le romancier exprime à travers lui une certaine vision de l'homme et du monde. Ainsi, le roman médiéval présente ainsi des héros relativement stéréotypés incarnant des valeurs essentielles. En revanche, les romans réalistes du XIXe siècle, tout en individualisant leurs héros, font d'eux des êtres représentatifs de leur milieu social. Enfin, les romans du XXe siècle remettent souvent en question la notion figée de personnage, reflétant ainsi la complexité du monde moderne.

    3. Quelles sont les fonctions du roman ?

    Même si l'établissement de catégories pour ce qui concerne le rom an a quelque chose d'assez artificiel, on peut distinguer différents grands types de romans en fonction des buts et des effets recherchés par l'auteur.
    Certains romans privilégient avant tout l'intrigue et l'action, et cherchent par-là à divertir le lecteur, à lui permettre de s'évader. C'est le cas des romans policiers ou d'aventures, mais aussi des romans historiques. Ces derniers toutefois s'attachent évidemment à recréer une période historique, et prennent parfois la forme du roman-feuilleton, publié par épisodes (par exemple les romans d'Alexandre Dumas, très en vogue au XIXe siècle).
    D'autres romans se recentrent sur le personnage pour privilégier l'analyse de ses ressorts psychologiques et de ses sentiments (par exemple La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette), ou pour en montrer l'évolution dans sa confrontation avec la société, tout au long d'un parcours initiatique, comme c'est le cas dans les romans picaresques ou dans les romans d'éducation (par exemple Le Rouge et le Noir de Stendhal).
    Enfin, il existe également des romans qui mettent l'accent sur la société représentée au cours du récit. C'est notamment le cas des romans réalistes ou naturalistes qui tentent de décrire avec précision une époque et des catégories sociales (par exemple Balzac ou Zola), mais aussi des romans satiriques, des romans philosophiques à thèse. Ces derniers veulent provoquer une réflexion, voire une réaction, chez le lecteur et offrent souvent une critique de la société.
    Il convient toutefois de garder à l'esprit que bon nombre de romans résistent à une telle classification et peuvent réunir différents traits. Ainsi, Le Rouge et le Noir est à la fois un roman d'apprentissage et une « chronique de 1830 ».

    votre commentaire
  • Résumé

    Goriot mettait ses filles au rang des anges, et nécessairement au-dessus de lui, le pauvre homme! Il aimait jusqu'au mal qu'elles lui faisaient. (Livre de Poche, pp. 146-147)

    Epoque: automne 1819; lieu: paris, rue Neuve-Sainte Geneviève, maison Vauquer.

    Par sa cousine, la vicomtesse de Beauséant, qui l’initie aux mystères du grand monde, Rastignac perce le secret de Jean-Joachim Goriot: il s’est quasiment ruiné pour ses filles, Anastasie de Restaud et Delphine de Nucingen qui le tiennent à l’écart de leur vie : elles mènent grand train auprès de leurs maris aristocrates mais elles ont honte de la façon dont s’est enrichi leur père. Elles ne rechignent toutefois pas à accepter ses aides lorsque les y forcent leurs problèmes financiers.

    Vautrin révèle cyniquement à Rastignac les rouages de la société et les moyens de parvenir à la puissance. Il veut faire sa fortune et il le pousse à épouser Mademoiselle de Taillefer, dont il s’arrange pour faire tuer le frère en duel afin de lui rendre la disposition d’un riche héritage. Rastignac refuse de suivre Vautrin dans cette affaire criminelle. Il s’engage dans une relation amoureuse avec Delphine.

    Une enquête révèle que Vautrin est un ancien forçat, Jacques Collin, portant une marque qui n’apparaît que si l’on frappe la peau et que découvrent les agents venus l’arrêter.

    Le Père Goriot, qui croyait pouvoir quitter la pension avec Rastignac pour vivre auprès de sa fille Delphine, meurt en apprenant brutalement la situation familiale et financière désastreuse de ses filles, qui lui réclament son aide sans ménagement. Peu de temps avant, on lui avait diagnostiqué une grave crise d'apoplexie. Bianchon, un des pensionnaires et ami de Eugène de Rastignac, a lui-même diagnostiqué le Père Goriot.

    Rastignac assiste à l’enterrement du vieillard, que ses filles n’accompagnent même pas au cimetière. Bien qu’il soit assez ému par la détresse du vieillard, Rastignac se laisse emporter par sa passion du pouvoir et de l’argent et, subjugué par la vue des quartiers riches de Paris, il se lance à la conquête de la capitale : « À nous deux, maintenant ! ».

    Une chose importante à savoir sur le Père Goriot : sa montée des étages dans la pension Vauquer montre sa dégradation financière. En effet, il se ruine pour ses filles, et n'a donc plus assez d'argent pour habiter les meilleurs logements qui se trouvent au premier étage de la pension. Dans cet ouvrage, les étages de la pension Vauquer définissent la situation sociale et financière des personnages.

    Le père Goriot et Le roi Lear

    Certains analystes rapprochent ce roman de Balzac et le Roi Lear de Shakespeare. Toutefois, on peut noter des différences : le père Goriot se dépouille de sa fortune pour installer ses deux filles dans les hautes sphères, mais il n’a de préférence ni pour l’une ni pour l’autre contrairement au roi Lear qui a, lui, trois filles, et qui privilégie les deux flatteuses contre celle qui parle trop franchement.





    Début du livre

     Comme d'habitude, Balzac commence par planter le décor. Le roman commence par une longue description qui part du plus général (l'époque et le lieu) pour, petit à petit, focaliser sur un espace particulier, celui où se déroulera l'intrigue (la rue, la pension Vauquer). Les détails portant sur l'époque et le lieu relèvent bien sûr du souci de réalisme cher à Balzac. L'histoire de déroule à une date précieuse, dans un lieu précis, réel et connu de tous: elle est donc d'emblée comme donnée pour réelle et non fictive. Ce simulacre d'écrivain sert surtout à nous préparer à la rencontre de personnages qui prennent réalité, corps, au travers de la description et des éléments réalistes fournis par l'auteur. Il nous y prépare d'autant mieux que la plupart des personnages semblent pure émanation des lieux. Ainsi, la longue description de la Maison Vauquer nous prépare à l'apparition de sa tenacière dont la "personne dodue" est "en harmonie avec cette salle où suinte le malheur" : Madame Vauquer est en effet aussi laide et sale que sa pension, aussi vieille, hideuse et mesquine que le mobilier "vieux", "laid", "délabré", aussi grasse que sa nappe, aussi artificielle que ses fleurs. La plupart de ses pensionnaires, de même, sont fânés et pitoyables.

    Or, parmi ces personnages sans âme, sans humanité, qui se fondent avec le décor et sont même à certains moments décrits comme des objets ou des animaux, quelques personnages vont se détacher de la mesquinerie ambiante, à savoir le mystérieux Vautrin, Eugène de Rastignac et, bien sûr, le Père Goriot.
    La description sert ainsi merveilleusement l'intrigue. Figure-même de l'anti-héros, le Père Goriot, dont rien de l'allure misérable ne semble d'abord le distinguer des autres pensionnaires, semble surtout se singulariser par ses silences, silences dans lesquels il se mure lorsque ses co-pensionnaires, intrigués par ses escapades nocturnes, le prennent pour bouc émissaire et se moquent de lui en l'accusant d'entretenir des femmes. Ces soupçons ne font que rendre encore plus minables ces pensionnaires qui ne peuvent envisager d'autre réalité que la leur et enferment le Père Goriot dans un regard sordide. Celui-ci s'en trouve grandi. Ses silences, qui d'ailleurs donnent de l'étoffe à ce personnage qui semble résister, avec dignité, aux remarques suspicieuses, ne cachent que la noble passion d'un père qui se sacrifie à ses filles, malgré leur ingratitude. Sa mort sera celle d'un martyr. Elle sera, comme sa vie, celle du héros solitaire et incompris.


    votre commentaire
  • Le Père Goriot :
    Vieillard, ancien vermicellier, qui a dédié sa vie à ses filles, Delphine de Nucingen et Anastasie de Restaud. Pour elles, il n'hésita pas à ses ruiner, leur offrant tout ce qu'elles désiraient. (Au fur et au mesure de l'histoire et que sa fortune se lapide, il monte dans la pension Vauquier). Son dernier vœu sera de voir ses filles sur son lit de mort. Il ne réalisera pas, ce qu'il le laissera mourir sur l'idée que ses filles ne l'aiment pas. → Voir des pages 126 à 129 dans le livre.

         Eugène de Rastignac :
    Jeune provincial âgé de 22ans, sans aucune fortune. Il rêve d'entrer dans la haute société de Paris. Pour arriver à ses fins, il demande de l'aide à la Vicomtesse de Beauséant, sa cousine, qu'elle lui apportera. En effet, elle le met en relation avec Madame de Nucingen (baronne) lors d'une sortie au théâtre. Celle-ci prendre alors celui-ci comme confident, et plus tard amant. Rastignac permettra également à la baronne de reprendre contact avec son père (Le Père Goriot). Rastignac est quelqu'un d'honnête, il fera tout pour éviter la mort du frère de Victorine Taillefer, mais sa tentative échouera puisque Vautrin le tuera.

         Vautrin :
    Forçat âgé d'une quarantaine d'années, il est surnommé Trompe-La-Mort (Fait connu tard dans l'histoire), il s'est échappé du bagne de Toulon. Il est intelligent et souhaite aider Rastignac dans sa quête de fortune, en lui proposant d'assassiner le frère de Victorine Taillefer, pour que celle-ci touche l'héritage de son père. Vautrin mettra ce plan à exécution lui-même, après le refus de Rastignac. A la fin du livre, il sera arrêté par le Commissaire Gondureau et sera mit en prison pour ses crimes et son évasion.

         Delphine de Nucingen :
    Baronne et fille du Père Goriot, elle est mariée à un banquier qui ne lui offre que le nécessaire vital, comme les habits et la nourriture. Madame de Nucingen est une femme malheureuse, jusqu'à sa rencontre avec Rastignac, qui deviendra par la suite son amant. Malgré cela, elle reste rude à l'égard de Rastignac, même si elle a des sentiments pour celui-ci. Elle aime son père, même si elle ne le verra pratiquement plus, suite aux refus de son mari.

         Anastasie de Restaud :
    Fille ainée de Goriot, elle est comtesse suite à son mariage avec le comte de Restaud. Elle devra renoncer aussi à voir son père à cause de son mari. Elle a pour amant Maxime de Traille.

         La Vicomtesse de Beauséant :
    Elle est la cousine de Rastignac et une personne très importante à Paris, notamment grâce à son hôtel. Malheureusement, elle n'a que très peu de chance puisqu'elle est l'amante du marquis d'Ajuda-Pinto, qui est sur le point de se marier avec Mademoiselle de Rochefide. Bien entendu, elle essaiera d'empêche que ce mariage ait lieu. Malgré ses problème, elle n'hésitera pas à prendre Rastignac sous son aile et à l'aider à obtenir ce qu'il veut, en le conseillant et en lui présentant des personnes importantes.

         Madame Vauquer :
    C'est la propriétaire de la pension Vauquer, qu'elle tient depuis une quarantaine d'année. Son affaire ne marche plus très bien, nottament dû au départ de nombreux de ses prensionnaires. Elle à deux employés : Christophe et Sylvie. Elle est assez agée et apprécie Vautrin avant d'apprendre que celui-ci est un hors-la-loi.

         Victorine Taillefer :
    Au début du récit, celui-ci est pauvre, n'ayant comme femme de chambre et amie Madame Couture. Puis grâce à Vautrin qui tua son frère, elle fût remis dans le testament de son père comme unique enfant. A la suite de cela, elle quitta la pension pour retourner chez son père. 

         Mademoiselle Michonnau :
    C'est elle qui dénonce Vautrin, avec la complicité de Poiret, à Gondureau pour 2000 frcs. Pour cela, elle le drogue et le frappe sur l'épaule pour voir réapparaitre son immatriculation. A la suite de ce fait, Vautrin fût emprisonné, et après un vote à l'unanimité. Poiret est un de ses meilleurs amis, peut-être plus même, puisqu'il la suit pour quitter ensemble la pension.

         Bianchon :
    Jeune étudiant en médecine, c'est un bon ami de Rastignac. Il s'occupera de Goriot durant ses dernières heures et paiera une partie de l'enterrement de celui-ci.

         Christophe :
    Un garçon de peine

         Sylvie :
    La cuisinière


    Schéma de leurs relations :
    http://sd-1.archive-host.com/membres/up/187561893425594292/PereGoriot_1_.pdf

    votre commentaire
  • Le convoi funèbre de Goriot
    Le père Goriot

    De "Les deux prêtres" à "madame de Nucingen. "

     Introduction
    Dans les pages précédentes, le narrateur a raconté la mort du père. Il a insisté sur la solitude de cette agonie : au retour de la soirée chez madame de Beauséant, Eugène a trouvé Goriot mourant. Christophe envoyé auprès des filles pour un secours d’argent n’obtient rien, Anastasie est en conférence avec son mari, Delphine dort. Les longues plaintes du père désignent l’objet de son mal : « Ne pas les avoir, voilà l’agonie » (page 350). Eugène effectue alors une démarche vers chacune d’elles, vainement. Anastasie seule viendra, mais trop tard, son père aura sombré dans l’inconscience. Goriot meurt sans avoir revu celles à qui il a tout sacrifié.
    La narrateur a montré aussi la sollicitude d’Eugène auprès de l’agonisant, son dévouement, sa fidélité envers ce vieil homme, qu’il soigne et veille avec constance, tout imprégné encore des valeurs affectives de sa famille.

    Cette dernière page du roman raconte la brève cérémonie funèbre du malheureux Père Goriot. Elle fournit les derniers éléments nécessaires au dénouement : les thèmes essentiels de l’œuvre, abandon du père et ambition exacerbée de Rastignac, s’y trouvent liés l’un a l’autre et traités avec le maximum d’intensité. Un double itinéraire s’achève, celui d’une vie de dévouement man récompensée pour le père, et celui d’une éducation pour Eugène. Le commentaire envisagera successivement les deux parties du texte, l’une consacrée au disparu et l’autre à Rastignac.

     I/ Goriot : les funérailles d’un pauvre
    Ces funérailles se déroulent sous le triple signe de l’abandon, de la précipitation et de la contrainte d’argent.

    L’abandon du père par les filles sa solitude près la mort comme dans l’agonie, sont perceptibles à travers plusieurs expressions : « Il n’y avait qu’une seul voiture de deuil… Il n’y a point de suite… deux voitures armoriées mais vides ». On remarquera l’alliance de ces deux termes, « armoriées mais vides », qui marque la noblesse du titre alliée à l’absence de sentiments : le cœur des filles est vide comme les voitures. Socialement, les apparences sont sauves, les filles sont représentées aussi par leurs domestiques, « les gens de ses filles ». Leur absence porte la triste confirmation d’un abandon perpétré dès longtemps pour les raisons de prestige social, le père ancien commerçant, et de surcroît ruiné, étant une compagnie peu distinguée.
    La précipitation, la hâte d’en finir sont manifestes à travers un lexique temporel qui souligne de façon réitérée le caractère expéditif de ces funérailles de pauvre. Toutes les interventions du clergé sont parcimonieusement chronométrées : « Le service dura vingt minutes… Nous pouvons aller vite… il est cinq heures et demie… A six heures, le Père Goriot… ». Enfin, tous disparaissent « aussitôt que fut dite la courte prière… ».Cette impression de funérailles au pas de course est accentuée par la notation dépouillée des faits, qui sont dits brièvement, dans leur nudité, sans commentaire. Toute une série de verbes au passé simple établit la succession nue et banale des évènements : « Les deux prêtres… vinrent et donnèrent,… les gens du clergé chantèrent,… deux voitures armoriées mais vides se présentèrent et suivirent… le corps du Père Goriot fut descendu… ». La structure de la phrase suggère même un escamotage de la descente dans la fosse, cet acte essentiel traité en quelques mots étant aussitôt supplanté par la débandade de tous : « A six heures, le corps du Père Goriot fut descendu dans sa fosse, autour de laquelle étaient les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l’argent de l’étudiant ».Vous aurez noté, dans cette ample période, la disproportion entre la partie très brève consacrée au défunt, oublié sitôt après le mot « fosse », et la fuite des assistants longuement évoquée.
    La contrainte de l’argent a été dominante tout au long du roman ; elle est rappelée ici dans un registre lexical très insistant, et elle s’exerce jusqu’au bord de la tombe : à l’église, Goriot obtient « tout ce qu’on peut avoir pour soixante-dix francs », car « le religion n’est pas assez riche pour payer gratis ». Au cimetière, le clergé mesure son temps sur « l’argent de l’étudiant ». Dans la fosse même, « l’un des fossoyeurs lui demanda un pourboire ». Alors « Eugène fut forcé d’emprunter vingt sous à Christophe ». L’argent toujours : jusqu’au bout de la vie, et dans la mort même, sans argent on n’a rien. Il conditionne aussi l’intervention du clergé, qui est assimilée à une prestation de service exactement tarifiée.

     II/ Rastignac : l’achèvement d’un itinéraire
    En un court moment, et en quelques phrases, le deuil dans le cœur d’Eugène est supplanté par le désir de parvenir.

    L’adieu au passé est suscité par le choc des vingt sous qu’il n’a pas et qui agissent sur Eugène comme un déclic révélateur de l’égoïsme social : « Ce fait si léger en lui-même détermina chez Rastignac un accès d’horrible tristesse ». Il prend alors une conscience plus aiguë que jamais de son dénuement personnel. Le jeune homme d’autrefois meurt à ce moment : le spectacle de la pauvreté entraîne la révolte, le refus de se laisser réduire soi-même à l’état d’un Goriot. Ici, Eugène pleure sur un mort qui est aussi l’adolescent d’hier, un garçon honnête et pauvre, auquel il dit adieu. La scène est réussie sur le plan poétique : le crépuscule de la journée, le déclin de la saison, la mort du père et la fin des illusions, tout cela est dans le m ême tonalité triste.
    Le passage du passé à l’avenir est instantané chez rastignac. Il ne reste pas longtemps prisonnier de sa tristesse, il trouve vite en lui une détermination nouvelle : « Il se croisa les bras, contempla les nuages, et, le voyant ainsi, Christophe le quitta ». Le passage de la tombe où gît la victime vers les nuages, ce mouvement d’ascension du regard, marque le retour à la vie, le recommencement de l’espérance, une deuxième naissance. Plongé dans ses méditations, concentré sur sa pensée, Eugène est devenu un autre homme ; ce court début de phrase, « Il se croisa les bras, regarda les nuages… », marque la détermination et la foi dans l’avenir.
    Paris apparaît alors comme objet de désir. L’espérance retrouvée, c’est la fascination du Paris élégant, perçu comme ne proie désirable. Il faut faire l’analyse précise de l’avant-dernier paragraphe où chaque terme montre les séductions de ce monde sous le regard d’un homme jeune. La sensualité de paris est dans « tortueusement couché », comme dans une pose de courtisane. L’éclat des fêtes est celui d’une ville où « commençaient à briller les lumières », qui annoncent les dîners, les bals de la nuit. La richesse fascine Rastignac, il voit les seuls beaux quartiers, « là où vivait ce beau monde ». Enfin, comme prolongement de tout ce spectacle significatif, émerge le désir réaffirmé de participer au festin, de jouir des douceurs offertes, « un regard qui semblait par avance en pomper le miel », qui dit l’appétit sensuel de savourer, d’avaler à longs traits.
    La volonté exacerbée de la conquête s’énonce de façon concentré dans la fameuse apostrophe à la capitale : « A nous deux maintenant! ». Par là, l’ambitieux affirme sa volonté de prendre possession de tout ce qui s’offre et se déploie sous son regard. Par ce langage de conquérant un peu théâtral et emphatique, en harmonie avec la pose physique, il marque l’assurance de la jeunesse, sa détermination, sa présomption aussi.
    Rastignac ne reste jamais longtemps au stade du désir, chez lui le passage à l’acte est immédiat : « Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen », un dîner d’ambitieux plus que d’amoureux, il n’est plus désigné par son prénom Eugène, il est Rastignac, et cela sonne dur, pour un dîner chez une femme désignée du nom de son mari banquier, et pas son nom d’amante, Delphine. Dîner chez elle dès ce soir-là, c’est renoncer à la juger, c’est accepter sa sècheresse de cœur, son ingratitude filiale, c’est donc la traiter en instrument d’un ambition. Parvenir en exploitant l’amour à des fins mercantiles : voilà Rastignac qui met en pratique les conseils exposés autrefois à Eugène par Vautrin.

     Conclusion
    Cette dernière page du roman est le point de rencontre des thèmes importants : une vie s’achève, une autre commence.

    Le thème fondamental du roman, l’égoïsme préféré et pratiqué au lieu de la générosité, reçoit ici son ultime et capitale expression : la mort même peut effacer le culte d’intérêt personnel dans les cœurs indifférents. La méconnaissance des bons et des grands sentiments a été poussée jusqu’aux extrêmes limites : Goriot est désavoué par tus, par ses filles absentes de son lit de mort et du cimetière, et aussi par le jeune homme, qui certes s’est occupé de lui affectueusement, mais qui va vivre selon les principes opposés aux siens.
    Une ultime et décisive leçon. Face à la tombe, Eugène a scruté le fond des cœurs. La mort pathétique de père marque la fin de son éducation. Le voilà seul désormais face à la vie, en position d’adulte ; ses maîtres, ou ses inspirateurs, l’ont quitté : Mme de Beauséant retirée, Vautrin arrêté, Goriot mort. A lui de vivre en assumant un chois déjà largement engagé et renforcé par l’épisode final. Le destin du père Goriot aura contribué jusqu’au bout à l’apprentissage d’Eugène.
    Les deux fils de l’intrigue se rejoignent au bord de la tombe de Goriot : celui du père dépouillé et celui du jeune homme ambitieux, cependant que la filiation plus discrète avec Vautrin s’affirme dans la décision d’utiliser Delphine, femme du banquier, à ses fins d’enrichissement.

    (Florence.F) 

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique